La section FO de Prisma Presse, après avoir constaté que sur un même poste de travail des salariés pouvaient toucher 300 à 500 euros de différence, revendique l'équité de traitement des salariés sur le principe de droit
A travail égal salaire égal...
Introduction
Ce principe de droit "à travail égal, salaire égal" est déjà ancien (déclaration des droits de l'homme de 1948);
Sa première application a été l'égalité salariale entre hommes et femmes qui fait donc aujourd'hui l'objet de dispositions légales spécifiques
L'application de ce principe a fait l'objet ensuite d'une continuelle extension par application jurisprudentielle
Le principe égalitaire est effectif pour les minimas salariaux :
Les minimas salariaux sont régis par le SMIC ou les conventions collectives lorsqu'elles sont plus avantageuses sur tout le territoire français donc, en principe (voir les problèmes liés aux détachements de salariés d'un pays à l'autre et notamment la question des sociétés d'intérim internationales) il n'y a pas dans ce domaine de disparités, si ce n'est le fait qu'il faut fréquemment comparer les tâches réalisées à la nomenclature des qualifications de sa convention collective de référence car déqualifier un emploi permet aussi de moins le rémunérer.
Par contre les mêmes fonctions peuvent s'avérer payées différemment d'un établissement à l'autre au sein d'une même entreprise et ceci est anormal : il appartient aux organisations syndicales par un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) d'unifier les pratiques qui ont tendance à diverger en fonction des usages locaux et des habitudes de recrutement des directeurs d'établissements.
C'est un travail de longue haleine puisqu'il faut établir la nomenclature des emplois de l'entreprise, classifier cette nomenclature dans les niveaux prévus par la convention collective de référence , rectifier en conséquence les niveaux salariaux dans un délai qui est contractuellement fixé puis faire vivre cette nomenclature car, au fil des années certains emplois disparaîtront quand de tout nouveaux seront créés; il faut donc une commission de suivi de l'accord de GPEC.
Mais que devient le principe " à travail égal, salaire égal" dans certaines configurations car la tentation est grande de faire jouer le droit des sociétés contre le droit du travail, c'est l'objet du présent article car la jurisprudence, même si elle évolue en continu, n'autorise pas toutes les comparaisons.
Champ d'application du principe "à travail égal, salaire égal"
En l'état actuel du droit on ne peut comparer les salaires que lorsque les salariés dépendent juridiquement du même employeur.
Les employeurs qui avaient des productions intégrées depuis la production des intrans, leur transformation et la livraison des produits finis scindent donc en trois entités juridiques distinctes leur établissement, les délocalisent à quelques encablures de distance l'un fournissant les composants du produit fini, l'autre élaborant ce produit et le dernier le distribuant aux clients finaux.
Dans cet exemple et même si une unité économique et sociale (UES) est reconnue grâce à l'action des organisations syndicales , ou si la scission de la structure initiale s'est faite sous forme de groupe, les organisations syndicales ne pourront pas faire appliquer les mêmes avantages conformément au principe "à travail égal , salaire égal" pour tous les salariés dans les trois établissements distincts même si la convention de référence est la même pour ces trois structures très virtuellement indépendantes:
"Au sein d'une unité économique et sociale, qui est composée de personnes juridiques distinctes, pour la détermination des droits à rémunération d'un salarié, il ne peut y avoir comparaison entre les conditions de rémunération de ce salarié et celles d'autres salariés compris dans l'unité économique et sociale que si ces conditions sont fixées par la loi, une convention ou un accord collectif commun, ainsi que dans le cas où le travail de ces salariés est accompli dans un même établissement" , il s'agissait de l'octroi d'un 13ième mois et de tickets restaurant - pourvois 04-42.143 à 04-42.149 - Pourvoi 06-45579 pour la référence à une même convention collective.
Pourtant le code du travail dans son article L2322 - 4 prévoit que "lorsqu'une UES regroupant au moins cinquante salariés est reconnue par convention ou par décision de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes, la mise en place d'un Comité d'Entreprise commun est obligatoire" et l'équité de traitement des salariés entre bien dans le champ des prérogatives d'un comité d'entreprise;
Même dans un groupe reconnu où il peut exister des comités d'entreprises pour chaque entité et un comité de groupe, la règle " à travail égal, salaire égal" n'a pas cours dès lors que les établissements sont distincts et les entités juridiques différentes.
Le problème de l'égalité de traitement salarial, dans une UES ou un groupe ne se résout que par l'action syndicale d'information de tous les salariés des différentes entités juridiques ce qui conduit par pressions successives à une uniformisation de traitement.
Il est possible d'espérer que la jurisprudence viendra peut-être un jour éviter des successions de conflits en faisant en sorte que le droit des sociétés ne contrecarre pas le droit du travail et notamment la notion d'équité de traitement en matière salariale. Nous n'en sommes pas encore là puisque les notions mêmes de salaire et de travail égal sont encore floues.
Absence de définition des notions de salaire et de travail égal
Pour apprécier ce qu'est un « travail égal » ou « d'égale valeur » il n'existe pour l'instant que la définition donnée par l'égalité salariale entre hommes et femmes et c'est d'ailleurs pourquoi tous les hommes devraient faire en sorte de la mettre en oeuvre puisque cela les servirait par la même occasion;
Suivant ce texte : "sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés
un ensemble comparable
- de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme
- de pratiques professionnelles,
- de capacités découlant de l'expérience acquise,
- de responsabilité et
- de charge physique ou nerveuse
Par "salaire" on entend les différentes composantes de la rémunération (primes, avantages en nature etc .... ) ce qui ne veut pas dire que des rémunérations individualisées sont prohibées mais les critères d'attribution des composants individuels de la rémunération doivent être les mêmes pour tous :
Pas de bonus discrétionnaire pour un analyste financier par exemple : " il appartient à l'employeur d'établir que la différence de rémunération constatée entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, est justifiée par des éléments objectifs et pertinents que le juge contrôle" pourvoi 07-40527
Les exceptions admises par la jurisprudence
Une autre façon d'appréhender la notion d'égalité de traitement des salariés dans l'entreprise est de voir en matière salariale les inégalités admises par la jurisprudence.
les inégalités pour causes inhérentes à la personne du salarié
- Les performances si évidemment le système d'appréciation est objectif , les notations des entretiens d'évaluation sont en particulier prises en compte donc il faut éventuellement les contester s’il y a des inéquités de traitement (Pourvois 06-40085 et 06-40615) :" Mais attendu qu'ayant constaté que le procès-verbal d'entretien d'évaluation réalisé en 1993 contenait des appréciations positives sur la qualité du travail fourni par le salarié, qu'aucune autre évaluation n'était intervenue postérieurement et que les critiques de l'employeur relatives aux difficultés de travailler en équipe et à la susceptibilité excessive du salarié à l'égard de sa hiérarchie n'ont été formulées qu'a posteriori et peu de temps avant la saisine par le salarié de la juridiction prud'homale, qu'enfin la société avait elle-même admis la nécessité d'un rattrapage de salaire en 1993 et 1995, ce dont il résultait que les éléments objectifs dont faisait état l'employeur pour justifier une moindre progression salariale du salarié par comparaison avec ses collègues n'étaient pas établis et que la différence de traitement constatée n'était ainsi fondée sur aucun motif valable ; que le moyen ne peut être accueilli ;"
- en compte et la qualité du travail fourni si l'employeur rapporte la preuve que l'inégalité de traitement dont le salarié se dit victime, repose sur un critère objectif (s'il ne le fait pas pourvoi 00-41633)
- ATTENTION : la référence à l "implication dans le travail" n'est pas une appréciation objective mais une appréciation subjective dépendant du rapport au travail de l'évaluateur,
- ATTENTION : la présence quantitativement moindre au poste de travail ne peut être prise en compte tant qu'elle n'est pas fautive et notamment s'il s'agit d'heures de délégations (cass criminelle 88-85155 ) , d'absences pour maladie dûment justifiées et de congé autorisé pour convenance personnelle (Cass soc 99-44534)
- la formation
- l'expérience professionnelle et notamment l'expérience sur un poste similaire acquise chez un autre employeur (pourvois Q 04-47156, R 04-47157 et S 04-47158)
- les responsabilités confiées
- l'ancienneté qui peut être prise en compte soit sous forme salariale soit sous forme de prime (mais pas les deux à la fois)
Les inégalités en raisons de causes extérieures
- L'état du marché de l'emploi quand une spécialité est devenue rare et nécessite pour recruter de proposer un salaire attractif pour un CDD de directrice de crèche mieux rémunéré que la titulaire malade (pourvoi 02-42658)
- les contraintes budgétaires momentanées imposées par une autorité de tutelle n'autorisent pas l'employeur à réduire de ce fait la rémunération des personnes engagées pendant cette période en contradiction avec le principe "à travail égal, salaire égal" le poids des efforts salariaux doit être équitablement réparti ( pourvoi 07-11884)
- la situation qui précède doit être distinguée du cas de la dénonciation d'un accord collectif : dans ce second cas les avantages acquis A TITRE INDIVIDUEL du temps de l'application de l'ancien accord perdurent par exemple dans l'hypothèse d'un pourcentage d'augmentation du salaire lié à la composition familiale, cet avantage sera intégré au salaire des personnes qui avaient des enfants avant la suppression de la disposition par le nouvel accord ( pourvoi 06-42128)
- il est admis de récompenser les seuls salariés qui ont participé au maintien de leur entreprise dans une période économiquement difficile : pourvoi 01-41522 pour une gratification réservée aux seuls salariés italiens touchés par une restructuration chez alitalia france