En février 2011, pour la première fois, le tribunal de grande instance de Troyes, saisi par les salariés de Sodimédical, a jugé que l'absence de motif économique justifiait la nullité d'un plan social. «Auparavant, lorsque le motif économique n'était pas avéré, le juge déclarait le PSE (plan de sauvegarde de l'emploi) sans cause réelle et sérieuse. Cela occasionnait le paiement de dommages et intérêts aux salariés, mais leur emploi était perdu, explique Stéphane Béal, avocat en droit social chez Fidal. Désormais, le juge déclare le plan social inexistant». Chaque salarié peut donc, fort de ces décisions, saisir les prud'hommes pour demander sa réintégration. Deux décisions similaires ont été rendues par la suite, par la Cour d'appel de Paris le 12 mai 2011 - l'affaire Viveo - et par le tribunal de grande instance de Nanterre le 21 octobre dernier - le dossier Ethicon.
Réaction aux abus constatés, chez Goodyear ou Continental
Avocat des salariés dans ces trois affaires, Philippe Brun y voit une «révolution culturelle douce». «C'est une véritable jurisprudence anti-délocalisation. Comment pouvait-on faire un plan social sans cause économique ? Les juges ont osé imposer ce que le législateur n'a jamais eu le courage de voter», estime-t-il. La jurisprudence avait déjà peu à peu durci les conditions du licenciement économique. Depuis 1995 par exemple, la santé financière d'une entreprise est appréciée au sens large, en tenant compte de son secteur, ou encore du groupe à laquelle elle appartient. Mais cette fois, ce revirement de jurisprudence revient à interdire purement et simplement les licenciements dit «boursiers».
«Les juges répondent clairement à une situation conjoncturelle, analyse Caroline André-Hesse, avocate en droit social chez Altana. Ils réagissent aux abus constatés par exemple chez Goodyear ou Continental, alors même que les bassins d'emplois sont sinistrés». De quoi faire peur aux entreprises, qui s'inquiètent de ce durcissement. Au point que beaucoup contournent désormais la procédure du licenciement économique, et concluent des ruptures conventionnelles et des procédures individuelles en pagaille. «Si ces décisions sont confirmées par la Cour de cassation, je crains que cette tendance ne s'accélère. Le salarié n'y gagnera pas forcément», estime Stéphane Béal.
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