La décision d’engager un débat sur un nouveau Code de déontologie des Journalistes, prise lors des Etats généraux de la presse, s’inscrivait dans la logique de ce rassemblement, tout entier tourné vers la satisfaction des revendications des patrons de presse, notamment pour la mise en place, sous le frauduleux prétexte de « modernisation », de plans massifs de départs dans les entreprises.
Ces Etats généraux, auxquels le SGJ-FO, avait d’entrée refusé de participer, avaient un objectif clair : amener les syndicats de salariés, sur la base d’un « diagnostic partagé » avec les employeurs et l’Etat sur l’état de la presse et des médias, à légitimer une série « d’évolutions » dont nous avons ensuite pu prendre toute la mesure. En effet, ces Etats généraux ont marqué le point de départ d’une série d’offensives contre les droits et l’emploi des salariés de la presse, et des journalistes en particulier. C’est dans ce cadre qu’ont été engagées notamment les négociations sur le statut des pigistes, qui sous prétexte de « clarifier » les conditions d’application de leurs droits, ont abouti au scandaleux accord minoritaire, remettant en cause de fait la loi Cressard d 1974 et la Convention collective des journalistes, accord minoritaire dont FO demande l’abrogation pure et simple.
Excipant des « difficultés économiques » rencontrées par la presse et de la désaffection du public à l’égard des médias, il fut aussi décidé de confier à un « comité de sages » la rédaction d"un nouveau code de déontologie, pour « clarifier » là aussi. « Les difficultés économiques de la presse pourraient conduire à penser que la déontologie est une question secondaire.
Notre conviction est au contraire que cette question est essentielle et que la façon d’y répondre peut contribuer à ce que la presse retrouve une certaine prospérité économique. Une clarification déontologique est de l’intérêt des médias », a ainsi déclaré M. Bruno Frappat lors de la réunion du 7 décembre à l’IPJ.
De l’intérêt des médias ? Peut-être, mais certainement pas de l’intérêt des journalistes, au vu du texte présenté par la Commission des sages, qui non seulement ne traite des principes professionnels qu’en terme de devoirs du journaliste vis-à-vis des lecteurs, auditeurs ou spectateurs, ce qui est normal, mais aussi vis-à-vis de sa hiérarchie "dans le cadre d’une politique éditoriale définie".
Ce n’est sans doute pas un hasard si toutes les contributions des organisations d’employeurs, dans le débat engagé sur le nouveau code de déontologie, insistent pour soutenir ce point qui va dans le sens d’un encadrement renforcé de l’information.
Nous pensons pour notre part à Force Ouvrière qu’un journaliste est avant tout un citoyen libre, dont la responsabilité s’inscrit dans l’exigence démocratique et républicaine de diffuser à ses concitoyens une information avérée, libre, indépendante, complète, pluraliste. La déontologie du journaliste, c’est son indépendance d’esprit et celle-ci ne saurait être encadrée ni soumise aux exigences fussent-elles rédactionnelles des éditeurs ou de leurs actionnaires.
Surtout quand nous constatons chaque jour dans nos entreprises de presse la soumission grandissante aux exigences de la concurrence et de la rentabilité immédiate.
Quand, de plus en plus, ce sont les objectifs financiers, la course à l’audience et aux recettes publicitaires, la réduction des coûts et des effectifs, les stratégies de « rationalisation » et de concentration entre les mains de quelques grands groupes qui dictent les choix éditoriaux, au détriment du pluralisme, de la diversité des points de vue et de la qualité de l’information diffusée à nos concitoyens.
S’il y a bien un problème de désaffection des Français pour les médias, elle est plus à rechercher, à notre sens, dans la baisse de la qualité de l’information liée à cette politique que dans on ne sait quelle « clarification » de nos principes déontologiques.
D’autant que cette politique a aussi pour corollaire la multiplication des attaques contre les conditions matérielles de l’exercice du métier des journalistes.
Or, l’indépendance et la liberté du journaliste c’est d’abord et avant tout son indépendance matérielle.
C’est permettre aux journalistes de travailler dans des conditions décentes, sans être soumis au stress permanent de l’urgence, liée à l’insuffisance des effectifs, ou de la polyvalence de plus en plus imposée au détriment des qualifications.
C’est permettre aux journalistes de se voir proposer un vrai contrat de travail avec un vrai salaire, au lieu de les plonger chaque jour davantage dans les affres de la précarité, de multiplier les CDD à répétition, de vouloir priver les pigistes de tout droit avec l’accord scélérat 2008 et de remettre en cause la notion même de salariat avec la multiplication dans les rédactions des stagiaires, faux CLP et aujourd’hui des auto-entrepreneurs. Où est la liberté quand on ne sait jamais de quoi demain sera fait, quand on ne peut même pas vivre de son travail !
C’est permettre aux journalistes de se voir garantir des salaires conventionnels, évoluant de manière à préserver le pouvoir d’achat, au lieu de poursuivre une politique systématique de paupérisation de notre profession.
C’est garantir aux journalistes que leurs droits, tous leurs droits, précisés dans leur Convention collective, le Code du Travail, le Code la propriété intellectuelle seront respectés. C’est leur garantir que leur Convention collective sera maintenue et intégralement appliquée, dans toutes les formes de presse, et qu’on ne tentera pas de lui substituer des accords d’entreprise. C’est leur garantir que leur statut ne sera pas remis en cause. C’est leur garantir par la loi un véritable droit à la protection des sources et donc abroger l’actuel texte qui ne le leur accorde en rien.
M. Marc Feuillée, représentant du SPM, a affirmé lors de la réunion du 7 décembre, résumant le point de vue de ses confrères éditeurs, qu’il y a « une vraie contradiction entre le droit du travail, le droit de la presse et un code de déontologie ». Nous pensons nous qu’indépendance du journaliste et droit du travail sont au contraire intimement liés et qu’il ne saurait y avoir l’une sans respect de l’autre.
Voilà pourquoi nous sommes opposés à un Code qui, une fois adopté de manière « consensuelle », pourrait être opposé à notre Convention collective qu’on nous proposera de « clarifier ».
Pour sa part, le SGJ-FO estime que les grands textes fixant nos principes professionnels la Charte de 1938 et la Charte de Munich disent tout et qu’ils doivent s’appliquer à tous. A cette fin, le SGJ-FO est favorable à l’annexion, sous forme d’avenant, de la Charte de Munich à la Convention collective de Travail des Journalistes.
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