mercredi 9 février 2011

Souffrance au travail : il est urgent d'agir


Stress est pour 75% des français le mot qui décrit le mieux la façon dont les gens vivent leur emploi. C'est ce que révèle une enquête de la SOFRES menée en 2007. 


Selon l'Agence Européenne pour la sécurité et la santé au travail, le stress au travail « survient lorsqu'il y a déséquilibre entre la perception qu'une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu'elle a de ses propres ressources pour y faire face ». Ce déséquilibre entraîne alors une détérioration « de la santé physique, du bien-être et de la productivité » et frappe les salariés, y compris les cadres qui l'avouent plus difficilement.

Selon l'Agence Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail, les cadres seraient moins nombreux que les autres salariés à évoquer ces états de stress au travail. Pour autant ils n'y sont pas moins exposés. Les contraintes liées à l'organisation du travail pèsent plus lourdement sur eux: 78% déclarent être souvent obligés de se dépêcher, 88% de devoir faire plusieurs choses à la fois et 77% sont souvent interrompus.

Les cadres s'autocensureraient en refusant d'évoquer leurs difficultés craignant d'être jugés incompétents par des entreprises plus soucieuses des objectifs financiers que du « travailler mieux ». Dans ces conditions, le stress déjà mal défini au sein de l'entreprise, devient un sujet tabou, plus encore lorsque les directions refusent d'admettre que leur management est source de profondes nuisances. 

L'exemple du Technocentre Renault illustre parfaitement ce point. En 2002, les premiers résultats rendus publiques révèlent que 40% des salariés déclarent des signes de souffrance. Mais les solutions retenues par le groupe restent d'ordre individuel, assimilant le salarié stressé à un salarié mal formé et passant sous silence les responsabilités collectives. Une approche réductrice qui évacue du débat la dégradation des conditions de travail, liée notamment aux délais de plus en plus courts, l'exigence croissante de la relation client et les contrats d'objectifs imposés unilatéralement, sans aucune négociation. Depuis lors, le Technocentre connaît une suite inquiétante de suicides de salariés entre octobre 2006 et février 2007, dont 2 sur le lieu de travail. Selon le rapport du cabinet Technologia, remis le 18 octobre dernier au CHSCT de l'établissement, avec un taux de 31,2 % des salariés (cadres et ingénieurs) sous tension, le niveau de risques psychosociaux "est particulièrement élevé". 

"On est face à une cascade : ce qui est imposé est infaisable dans les délais impartis. Bien qu'ils soient attachés à leur travail, les salariés n'osent pas dire qu'ils n'y arrivent pas, car ils auraient alors le sentiment d'être des incapables, donc ils rattrapent le travail chez eux", analyse Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche à l'Inserm et spécialiste des questions de santé au travail. 

Dans d'autres secteurs le problème se pose de façon identique. Ainsi dans la profession bancaire, les dispositifs mis en place pour améliorer les conditions de travail restent encore embryonnaires. Une situation alarmante pour la section fédérale FO du crédit, qui a interpellé la branche patronale pour que ce point soit à l'ordre du jour des prochaines négociations. Pour Sébastien Busiris, secrétaire fédérale de la section FO du crédit « dans certains établissements, des études sur le stress sont menées (...) mais cela reste insuffisant car les banques n'assument pas encore tout à fait l'idée que leur organisation peut générer de la souffrance ». Il est alors urgent d'agir pour lutter efficacement contre le mal être au travail. Cela suppose que s'ouvre rapidement le dossier complexe de l'organisation du travail. Les entreprises doivent pour cela jouer le jeu et accepter la remise en cause de leurs modes de management, quand ceux-ci génèrent de la souffrance et conduisent, dans les situations les plus tragiques, les salariés à mettre fin à celles-ci en mettant fin à leur vie.

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